Une recherche qui se cherche
Le suicide est un objet très complexe qui se laisse difficilement analyser. Ainsi la psychiatrie n’a pas réussi à démontrer qu’il existait un processus psycho-pathologique derrière chaque tentative de suicide. Échec identique pour la sociologie qui n’a pas réussi à découvrir de courant suicidogène précis qui permettrait de créer des échelles prédictives efficaces pour la prévention. Pour répondre à cet enjeu, les études se multiplient, les approches scientifiques se diversifient.
L’ambition de cet espace est donc, de donner accès à l’ensemble des recherches actuelles.
Actuellement les sciences humaines renouvellent leur approche du suicide. Ainsi l’ouvrage de Georges Minois, « Histoire du Suicide » (1), montre que l’histoire du suicide ne peut pas se résumer à une condamnation simpliste. En fait le suicide pose la question de la liberté de chacun sur sa propre vie, il pose le problème crucial des limitations à apporter à l’autonomie de chacun. Georges Minois montre entre les enjeux d’autonomie et d’intégration, quelles sont les réponses que les différentes sociétés y ont apportées. L’approche du suicide est le reflet d’une société.
De nos jours l’approche sociologique, Alain Ehrenberg et Anne M.Lovell (2), montre que la psychiatrie est en pleine mutation. Ainsi il se développe une culture du malheur intime qui nous rend sensible à de nouvelles souffrances, qui hier passaient inaperçues : harcèlement au travail, harcèlement sexuel par exemple. Les médecins généralistes sont eux aussi plus sensibles au problème psychologique. Parallèlement l’autonomisation des individus se poursuit. Comment trouver la bonne limite entre respect de la liberté des acteurs et non-assistance à personne en danger ?
Sans compter que la définition même du suicide pose problème : est-ce un acte volontaire ou la liberté proclamée n’est-elle qu’une illusion ? Le suicide se limite t-il uniquement aux suicides égoïstes ou doit-on intégrer dans l’analyse, les suicides altruistes et les équivalents suicidaires ?
Parallèlement à ces différents travaux de recherche théorique, l’approche du suicide au quotidien est en pleine mutation, tant du point de vue politique, social, institutionnel que médical : depuis le rapport de Michel Debout au Conseil Économique et Social (3), le suicide est devenu une priorité de santé publique, la création de l’UNPS et des Journées Nationales de Prévention du Suicide à destination du grand public ont pour ambition de lever progressivement le tabou, les grands laboratoires pharmaceutiques osent enfin communiquer sur le sujet, la création de services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge des jeunes suicidants se multiplie, l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé) a organisé une conférence de consensus en octobre 2000 (4). Une nouvelle discipline naît : » la suicidologie «
La recherche en « suicidologie »
Cette évolution s’effectue de manière empirique. De nombreuses équipes effectuent d’intéressants travaux de recherche mais ces derniers restent confidentiels et non publiés. Ainsi, à une conceptualisation encore floue répond une recherche éclatée et mal systématisée. Le suicide étant une problématique qui recouvre plusieurs champs scientifiques (philosophie, histoire, sociologie, psychologie, psychiatrie, toxicologie et médecine d’urgence…) impose une approche multidisciplinaire ainsi qu’un lieu d’échanges.
L’ambition de cette rubrique est d’ouvrir un espace tant pour les chercheurs que pour le grand public, de donner un outil aux étudiants, aux psychiatres, aux médecins généralistes et à tous ceux que la problématique interroge.
L’actualité en matière de recherche en suicidologie
(1) MINOIS Georges, Histoire du suicide. La société occidentale face à la mort volontaire, Paris, Fayard, 1995, 421 p.
(2) La Maladie mentale en mutation Psychiatrie et société Sous la direction de Alain EHRENBERG, Anne M. LOVELL, Éditions Odile Jacob, janvier 2001, 311p.
(3) Conseil économique et social, « Le suicide », étude présentée par la section des Affaires Sociales sur le rapport de Monsieur Michel Debout, rapporteur, le 6 juillet 1993.
(4) Conférence de consensus « La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge » – 19 et 20 octobre 2000 – Textes et recommandations