LES TENTATIVES DE SUICIDE
En France, une surveillance épidémiologique de l’évolution temporo-spatiale des Tentative de Suicide (TS) est réalisée depuis une dizaine d’années à Santé publique France. Elle est basée sur les données hospitalières et complétée par les enquêtes en population générale via le Baromètre de Santé publique France.
L’exploitation du PMSI-MCO (Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie et obstétrique) permet de suivre les nombres et taux d’hospitalisation pour TS. L’ analyse des données du PMSI-MCO est circonscrite aux tentatives de suicide hospitalisées dans les services de médecine et chirurgie, incluant les séjours en unités d’hospitalisation de courte durée (UHCD) des services des urgences. Toutefois, elle ne prend pas en compte les patients passés aux urgences après une tentative de suicide mais non hospitalisés, ni ceux qui sont hospitalisés en psychiatrie, directement ou après leur passage aux urgences, sans hospitalisation préalable dans un service de médecine. En effet, les hospitalisations en établissement psychiatrique après une tentative de suicide sont très mal renseignées dans le système d’informations hospitalier.
Source ONS février 2024 :
En 2022, 75 803 personnes de 10 ans ou plus, dont 64 % de femmes, ont été hospitalisées pour un geste auto-infligé (tentative de suicide ou automutilation) en court séjour somatique (MCO). Un niveau comparable à celui d’avant la crise sanitaire1 mais qui masque d’importantes différences de tendances selon l’âge et le sexe. De brutales augmentations sont observées chez les filles et les jeunes femmes entre le nombre moyen de patientes des périodes 2015-2019 et 2021-2022 :
- +63 % de filles de 10 à 14 ans concernées entre 2021 et 2022 et les cinq années d’avant la crise ;
- +42 % d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans ;
- +32 % de jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans.
Dans le même temps, les patientèles des autres catégories de population ont tendance à décroître ou à rester stable.
Par ailleurs, bien que la qualité du codage soit moindre dans les services de psychiatrie publics, le nombre de personnes hospitalisées en lien avec un geste auto-infligé atteint, en 2021 et 2022, un niveau inédit, supérieur de 25 % à la moyenne des années 2015-2019. Là encore, cela s’explique par une forte progression d’hospitalisations de patientes âgées de 10 à 24 ans, et, dans une moindre mesure, de jeunes patients hommes âgés de 10 à 24 ans. Des tendances à la hausse qui préexistaient à la crise sanitaire et qui paraissent avoir été accélérées par celle-ci.
Le taux de gestes auto-infligés marqué par un fort gradient social
À partir de chiffres portant sur les années 2015 à 2017, le dernier rapport de l’ONS révèle par ailleurs que les taux d’hospitalisations pour gestes auto-infligés sont caractérisés par un gradient social très marqué. Ils sont en effet plus élevés chez les plus modestes et plus faibles chez les plus aisés. Entre 15 et 19 ans, où un premier pic d’hospitalisations pour ces gestes est identifié chez les adolescentes, le taux de patientes hospitalisées est près de deux fois supérieur parmi le quart inférieur des niveaux de vie que dans le quart supérieur. Les femmes âgées de 45 à 49 ans, concernées, quel que soit leur niveau de vie, par un second pic d’hospitalisations pour geste auto-infligé, sont aussi davantage touchées quand elles sont d’un niveau de vie plus modeste (3,5 fois plus dans le quart de la population le moins aisé que dans le quart le plus aisé). Chez les hommes, les taux les plus élevés sont atteints entre 45 et 49 ans, tout particulièrement chez les hommes appartenant au quart inférieur des niveaux de vie, qui présentent des taux d’hospitalisations pour gestes auto-infligés cinq fois supérieurs à ceux du quart le plus aisé.
Autre donnée le baromètre santé du Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 5 février 2024, n°3
Toutes les tentatives de suicide ne donnent pas lieu à une prise en charge médicale, en particulier celles dont les conséquences somatiques ne présentent pas de caractère d’urgence. Ainsi, entre 2000 et 2017,
parmi les Français ayant déclaré avoir effectué une tentative de suicide, 39% d’entre eux et plus souvent les jeunes (53% des 18-24 ans) ne s’étaient
pas rendus à l’hôpital à la suite de leur dernière tentative de suicide .
Dès lors, il est nécessaire d’estimer la prévalence globale des tentatives de suicide et des pensées suicidaires dans la population par l’interrogation directe d’échantillons représentatifs en s’appuyant sur des enquêtes déclaratives. Les enquêtes présentent également l’avantage de recueillir de nombreuses informations complémentaires auprès des répondants (caractéristiques sociodémographiques, économiques, les comportements et l’état de santé notamment) permettant de mieux caractériser les
populations les plus à risques et d’identifier les facteurs associés aux conduites suicidaires.
L’enquête du Baromètre de Santé publique France mesure depuis 2000 et avec la même méthodologie la prévalence des tentatives de suicide (au cours de la vie et des 12 derniers mois) et des pensées suicidaires (au cours des 12 derniers mois) en population générale adulte.
En 2021, un échantillon de plus de 24 000 personnes âgées de 18 à 85 ans a été interrogé en France métropolitaine et de 6 500 dans les départements
et régions d’outre-mer (DROM) de Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion.
L’enquête Baromètre de Santé publique France 2021 indique que 6,8% déclaraient avoir fait une tentative de suicide au cours de la vie et 0,5% au cours de l’année précédant l’enquête. Les 18-24 ans présentaient les prévalences les plus élevées de tentatives de suicide dans l’année,
ainsi que de tentatives de suicide au cours de la vie.
Les prévalences de tentatives de suicide étaient plus élevées chez les
femmes que chez les hommes, avec des différences particulièrement marquées chez les moins de 25 ans.
D’autres segments de population étaient davantage exposés : les personnes inactives ou au chômage, celles vivant seules ou en familles monoparentales et celles se déclarant en difficulté financière.
Le principal résultat de ces analyses reste la forte progression des tentatives de suicide chez les 18-24 ans ces dix dernières années, aussi bien chez
les femmes que chez les hommes.
Les tentatives de suicide déclarées au cours de la vie ont augmenté
de 50% par rapport à 2017 (passant de 6,1% à 9,2% en 2021) et celles déclarées au cours des 12 derniers mois, de plus de 60% (passant de 0,7%
en 2017 à 1,1% en 2021).
Les prévalences élevées de tentatives de suicide observées chez les jeunes adultes constituent un changement important puisqu’elles étaient inférieures ou comparables aux autres tranches d’âge de la population dans les baromètres santé qui ont précédé la pandémie de Covid-19 .
. Enfin, les données de recours aux urgences du réseau Oscour ® ont également enregistré, chez les jeunes seulement (11-24 ans), une augmentation des passages aux urgences pour troubles de l’humeur et gestes suicidaires.
Dans la tranche d’âge des 18-24 ans, les femmes présentaient un sur-risque significatif de tentatives de suicide. Ainsi la prévalence chez les femmes
de 18-24 ans, des tentatives de suicide au cours de la vie s’élève à 12,8%, et celle au cours de l’année à 2%.
Ces données font également écho à la hausse des hospitalisations pour geste suicidaire observée en 2020 après le deuxième confinement , ainsi
qu’avec l’augmentation des appels aux centres anti poison pour tentative de suicide en 2021 chez les femmes âgées de 12 à 24 ans.
Concernant le reste de la population adulte, la prévalence des tentatives de suicide au cours de la vie, suit également une tendance à la hausse depuis 2005, notamment chez les hommes âgés de plus de 65 ans.
Les pensées suicidaires suivent, quant à elles, une tendance à la baisse. Cette tendance globalement observée chez les plus de 25 ans depuis 2014 et
surtout depuis 2017 diffère des données enregistrées dans les services d’urgences.
Au-delà des effets d’âge ou de sexe, ces travaux montrent que d’autres segments de la population française sont davantage touchés par les gestes et idées suicidaires telles les personnes ayant un diplôme inférieur au baccalauréat, sans emploi et, plus globalement, celles vulnérables sur le plan socio-économique. C’est également le cas des personnes vivant seules ou dans le cadre mono parental. Ces associations sont fréquemment retrou-
vées dans les enquêtes françaises , ainsi que dans la littérature internationale.
Parmi les personnes ayant fait une tentative de suicide, un peu plus de la moitié seulement déclaraient avoir bénéficié d’un suivi après leur sortie de l’hôpital.
Comme l’a montré le dispositif VigilanS, déployé en France depuis quelques années, certaines modalités de veille et de maintien du contact post-hospitalier avec les patients ayant fait une tentative de suicide permettent de réduire le risque de récidive, tout en étant « coût-efficace » .
Pour en savoir plus Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 5 février 2024, n°3
https://www.santepubliquefrance.fr/import/bulletin-epidemiologique-hebdomadaire-5-fevrier-2024-n-3
Autres données
Source du chapitre : Santé Publique France 2019 & ONS 2018 – Etat de L’état de santé de la population en France 2017 & baromètre 2017
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