Les idées de suicide germent chez un grand nombre de personnes, qu’elles que soient les positions de principes affichées antérieurement : ainsi une attitude d’opposition déclarée face au suicide ne protège en aucun cas celui qui la met en avant.
En France, une enquête du baromètre Santé a montré que 10 à 25% des jeunes ont des idées suicidaires, 12% de ceux ci ont fait un projet précis de suicide. Parmi les adolescents ayant fait une tentative de suicide, 57% avaient pensé au suicide dans l’année.
S’il convient donc de prêter la plus grande attention à de telles idées, il n’en reste pas moins qu’il s’agit également d’une manière de réfléchir sur l’existence et sa finitude, démarche s’intégrant fréquemment dans le processus de maturation psychique à l’adolescence. Tout être humain, quelque soit son âge, est soumis psychiquement au « travail de la mort », même à son insu et on peut souligner l’aspect structurant pour la personne de cette prise de conscience des limites de l’homme.
L’intention suicidaire : lorsque la qualité de la structure familiale ou de l’entourage est insuffisante à contenir de telles idées, on peut alors assister au glissement vers une intention suicidaire lors de n’importe quel évènement difficile de l’existence, Qu’il le soit objectivement ou non : « l’inconscient n’attend que des prétextes pour réaliser des intentions, y compris des intentions suicidaires semi-conscientes.
Une des caractéristiques de ce glissement est que l’on abandonne la dimension exclusivement imaginaire de l’idée de suicide et que des éléments de nature symbolique (dates anniversaires…) ou de réalité (organisation des modalités du geste émergent.
Le glissement peut être perçu et inquiéter l’entourage surtout si le discours et le comportement du sujet revêtent une tonalité différente. Une meilleure connaissance des plaintes des patients suicidaires pourrait permettre de mieux identifier un éventuel syndrome pré-suicidaire caractérisé par :
– Une constriction croissante de la personnalité : au niveau situationnel (repli sur soi, limitation des relations interpersonnelles), psycho-dynamique (restriction des émotions et des mécanismes de défense) et des idéaux (réduction du sens des valeurs),
– Une inhibition de l’agressivité soit par refoulement, soit par retournement de celle ci, témoignant d’un intense contrôle de la tension intérieure,
– Un envahissement fantasmatique par les idées de suicide qui occupent toute la vie imaginaire.
Le suicide peut être défini comme l’aboutissement de trois stades successifs : l’idée suicidaire, la période d’ambivalence et la décision définitive.
Le passage au premier stade peut être par « réaction de court circuit » chez les impulsifs, les psychopathes ou les schizophrènes par exemple. Par contre, dans les états dépressifs, le deuxième stade peut être prolongé, ce qui revêt une certaine importance pour la détection car c’est pendant cette période que peuvent être exprimées les idées suicidaires.
L’évocation d’idées de suicide avec ou sans intention plus ou moins planifiée, est une situation que le médecin généraliste ou le psychiatre rencontre souvent. Un grand nombre de suicidant ont consulté un praticien dans les jours ou les semaines précédant leur passage à l’acte. Cette situation entraîne la plupart du temps un tel malaise que praticien et patient préfèrent éviter jusqu’au terme de suicide ou de mort, au profit d’allusions du genre « penser à mal », « faire une bêtise », « avoir de mauvaises idées ». Il peut s’agir aussi chez le patient, de tentatives de dénégation plutôt que d’un abord direct du désir d’autodestruction. De telles allusions peuvent être reprises comme des amorces destinées à faciliter l’énoncé par le patient lui même de ce dont il est réellement question.
Pour aider une personne suicidaire, nous devrions être particulièrement attentifs aux différentes modalités d’expression de ce désir de mort. La tentation peut être grande de minimiser l’intensité du désir de mort. Les rationalisations cachent le plus souvent de profondes détresses en évacuant tout affect pénible.
Très souvent les idées de suicide se traduisent indirectement des discours qui expriment les thèmes suivants :
– se sentir de trop, inutile,
– désir de rejoindre un être cher décédé,
– organisation de funérailles ou demandes concernant le don du corps,
– désir de fuite, d’évasion (voyages impulsifs),
– désir de dormir longtemps, recherche de nirvana, de l’annulation des tensions, désir de faire « peau neuve », espérance d’une nouvelle vie…
Des perspectives qui ne s’ouvrent pas sur la mort vu comme but ultime mais qui s’y réfèrent comme à un moyen de déboucher sur autre chose, de fuir une certaine forme de vie.