Facteurs de risques et facteurs de protection
Un facteur de risque est dans une relation de corrélation avec la survenue d’un phénomène et concerne une population ; il ne se situe donc pas au niveau de la causalité individuelle. De plus, les phénomènes suicidaires répondent à un modèle plurifactoriel impliquant à la fois des facteurs socioculturels, environnementaux, et psychopathologiques. Enfin ces facteurs sont en interaction les uns avec les autres.
Pr. Michel WALTER.
CHS de Brest
La notion de facteurs de risque est une notion statistique qui repère une association significative entre l’acte d’attenter à ses jours et d’autres éléments caractéristiques des suicidés ou des suicidants. Les facteurs de risque sont présentés selon des classifications différentes Ils sont rassemblés ici à titre indicatif et proviennent d’auteurs aux professions différentes (sociologue, épidémiologue, psychiatre, psychanalystes, etc.…)
Il ne peuvent et ne doivent être pris qu’à titre de repères. On ne peut séparément leur accorder de valeur prédictive.
Facteurs contribuants
Font partie de la situation de vie actuelle de la personne. La consommation abusive d’alcool ou de drogues, l’isolement social et le chômage sont des facteurs qui créent un état de vulnérabilité chez un individu.
Facteurs prédisposants
Ils rendent la personne particulièrement vulnérable au suicide. Ils sont reliés à son histoire de vie et constituent, en quelque sorte, la plateforme sur laquelle la personne évolue. Une fragilité liée à l’histoire et à la situation actuelle. Les facteurs prédisposants sont d’ordre familial (histoire familiale de suicide, de violence et d’abus, deuils précoces, suite à un décès ou une rupture, isolement social etc.) et d’ordre individuel (désordres psychiatriques, tendance à l’impulsivité, tentatives de suicide antérieures, puberté, problème d’orientation sexuelles ou d’identité sexuelle, etc.) La présence de facteurs prédisposants crée une fragilité chez un individu, et ce, avant même qu’un évènement vienne déstabiliser son état d’équilibre.
Facteurs précipitants
Facteurs précipitants qui peuvent favorisée le déclenchement du phénomène étudié : ce sont des évènements stressants qui induisent une grande souffrance psychique qui vient s’ajouter à l’état de vulnérabilité et que l’on ne parvient pas à surmonter. Ils peuvent précipiter la personne dans un état de crise. Ce peut être un échec personnel, le décès d’un proche et la perte d’un emploi. Chez les adolescents il peut s’agir d’un conflit interpersonnel avec un de leurs pairs ou une personne clé, d’un problème disciplinaire avec les parents, à l’école ou avec la loi, ces conflits entraînant un sentiment de rejet et d’humiliation.
Les facteurs de risque familiaux
Une psychopathologie parentale, dont l’alcoolisme, la dépression chronique, la maladie mentale ou le comportement suicidaire, violence entre parents et enfants, abus sexuels, dissociation familiale, faible qualité des relations parents enfants…
Les facteurs de risques psychologiques et psychopathologiques
Troubles psychiatriques et troubles de l’adaptation, dépression souvent mal diagnostiquée chez les jeunes, ou désespoir (l’impossibilité ressentie de résoudre ses problèmes), comportement violents, violence physique ou sexuelle subie.
Les facteurs de risques comportementaux
Consommation régulière de drogues, d’alcool (classée dans les troubles psychiatriques pour les classifications plus médico centrées). Consommation quotidienne de tabac, absentéisme scolaire, comportements violents…
Ces facteurs de risques ne sont pas spécifiques du suicide ou des tentatives, la plupart étant communs avec d’autres troubles que peut rencontrer lors de l’adolescence, dont l’abus de substances psycho-actives, la dépression , la délinquance…
Les facteurs de risques sociaux
Il y a encore peu de travaux sur cette question, les facteurs psychologiques et familiaux ayant été privilégiés.. Des travaux réalisés au Canada et aux Etats-Unis montrent une association positive entre le taux de suicide et la consommation d’alcool, la proportion des personnes âgées, le taux de divorce. En revanche le taux de suicide est proportionnel aux taux de natalité. D’autres travaux distinguent suicide des jeunes urbains et des jeunes ruraux, ou bien l’origine ethnique et culturelle, l’influence de la religion ou encore le niveau scolaire des parents, leurs revenus et la mobilité de résidence.
L’accès au moyen
Les auteurs anglo-saxons mettent souvent en avant les risques liés à l’accès au moyens de mettre fin à ses jours (arme à feu au domicile accès à des médicaments psychotropes, etc…).
La notion de facteurs de risques intervient à un niveau collectif, et ne peut s’appliquer à un individu donné. La plupart des auteurs insistent sur le fait qu’il n’y a jamais de relation de cause à effet, qu’il y a toujours plusieurs facteurs qui interviennent, et que ces facteurs interagissent entre eux.
Les risques individuels (autre classement)
Une autre classification regroupe les facteurs de risques individuels en trois catégories Des changements importants dans :
– les relations interpersonnelles,
– le bien–être personnel et familial,
– l’image corporelle,
– la vie à l’école, à l’université, au travail,
– la situation financière,
– l’environnement (évènements importants médiatisés).
Des deuils difficiles à surmonter :
– mort d’une personne aimée,
– fin d’une relation importante,
– perte de l’estime de soi,
– perte de l’espoir en son avenir,
– perte d’emploi.
Des violences subies :
– physiques,
– émotionnelles, psychologiques,
– sexuelles,
– sociales (rejet, absence de considération…).
Toutefois, tous les jeunes dans les situations décrites plus haut ne tentent pas de mettre fin à leurs jours.
Facteurs de protection
Facteurs de protection sont les conditions qui réduisent l’impact des facteurs contribuants, précipitants et prédisposants.
Peu d’études ont été consacrées aux facteurs de protections des personnes contre un passage à l’acte.
La qualité du support social et familial est indiscutable voir les travaux de Anne BADOUX-LEVY.
La capacité à faire face aux évènements stressants, les habiletés psycho sociales telles que les décrivent les approches canadiennes sont importantes et regardées avec attention particulièrement pour les enfants et adolescents.
Elle protège l’individu, en élargissant son éventail d’alternatives devant les situations difficiles.
Il s’agit essentiellement de :
– Ne pas être isolé, et avoir quelqu’un à qui parler de ses problèmes et de son état.
– Avoir une bonne estime de soi,
– Être capable de nouer des relations basées sur une confiance réciproque, se sentir responsable de quelqu’un d’autre, d’une tache
– Avoir une prise en charge thérapeutique. (Disponibilité des ressources)